dimanche 31 janvier 2021

Gerson Niederman un bracelet, un poinçon, une histoire triste comme il en est arrivé beaucoup.


La famille Miller, mère, fille, et un personnel charmant me demande ce que je pense de ce poinçon.

Nous aurions besoin de vos lumières ! Peut être pourriez-vous nous renseigner sur ce poinçon, un G et un N avec une flèche au milieu. Il est présent sur un superbe bracelet diamants et platine des années 1900. Nous ne l’avons pas trouvé dans le livre des poinçons. Voici les photos ! Bel après-midi à vous !

Miller 233, rue de Saint Honoré, Paris 1er  :  https://www.miller.fr/


Pour moi, c'est "Gerson Niederman" avec une fléche comme symbole.




J ai vérifié dans un de mes annuaires "Azur " de 1930 




Pratiquement rien sur lui, aux archives de la bibliothèque nationale, c'est un fabricant à façon, de bons artisans qui travaillent pour d 'autres, mais remarquez bien le 37 boulevard Saint Martin ,Son atelier était dans son appartement. Le prénom aussi , c'était peut être Gaston, il avait du adopter celui-ci a son établissement en France.

Avec ma (petite) expérience je commence à savoir ou chercher et j ai trouvé une histoire vraie, la sienne, dure, triste  peut être un peu longue mais que je vous conseille de lire.

Il s'était fait remarquer, certainement involontairement avant la guerre, et avait du être fiché.




Même nom de famille  , même métier, meme adresse dans le journal "Paris Soir" du 21/02/1942
Le prénom est étrange, Ejeza!

Surtout, ne vous fiez pas  à cet article du journal "Paris Soir"  la preuve, il parle de Bijoutier Juif, d'ou lui venait ce renseignement, Niederman était bijoutier juif, comme moi je suis breton et de sensibilité catholique!!!!!
Car  Le 11 juin 1940, Jean Prouvost qui en était le patron,  quitte Paris et continue la publication à Nantes, puis en zone non-occupée, tandis que les locaux parisiens sont utilisés par les Allemands qui font paraître leur Paris-Soir du 22 juin 1940 au 17 août 1944, avec Pierre Mouton comme rédacteur en chef.
Les Allemands, arrivés le 14 juin, réquisitionnent le journal classé d'« intérêt public » : c'est le plus gros tirage à l'époque. On y affecte le lieutenant Weber, marié à une Française et connaissant parfaitement le français. Il entre dans l'immeuble parisien de la rédaction rue du Louvre, et ne trouve qu'un liftier alsacien, nommé Schiesslé. Celui-ci est aussitôt nommé directeur général, et voit sa paye triplée, pour justifier la spoliation. Paris-Soir paraît dès le 22 juin, avec des rédacteurs embauchés à la va-vite. Un peu plus tard, les écrivains Georges Claude, Pierre Hamp, Henri Cochet écrivent des articles, avant de se rendre compte que le journal n'est plus ce qu'il était.(Wikipedia)
C'est donc le texte d un journaliste antisémite, il faut savoir que de tous temps les bijoutiers ont acheté de l or, à des particuliers, en salle des ventes , etc...Ce n'est pas toujours facile de savoir si le vendeur est un voleur, un escroc, un receleur.
Mais dans mes recherches , cela me permettait de trouver quel était le Niederman Joaillier.

« Je, soussigné Robert Niederman, certifie les faits suivants :
Mes parents sont originaires de l'ancien empire austro-hongrois. Mon père, Gaston Niederman, est né à Munkacs le 16 mai 1893, et ma mère, née Hélène Krausz, à Budapest le 5 décembre 1900. Mon père avait immigré en France avant la première guerre mondiale et ma mère juste avant leur mariage qui eut lieu à Paris en 1924.
Je suis né le 22 juin 1925 à Paris, de même que mon petit frère Emile, le 9 septembre 1927
. Mon père était joaillier-bijoutier et avait installé son atelier, depuis 1924, dans l'appartement que nous occupions à Paris au 37 boulevard Saint-Martin. Ma mère se consacrait à la famille. Nous avons fréquenté l'école maternelle, la communale puis le lycée.
Le titre de Juste parmi les Nations devrait être attribué à Joseph Gallo à titre posthume, et à sa femme, Ludovina Gallo, toujours en vie et qui est en contact étroit avec ma fille Brigitte. »   
J ai trouve ce texte  et une photo sur le site de l'AJPN.



Portrait de Gerson Niederman

Ce sont donc bien les même données que celles de son poinçon de Maitre , citées plus haut, c'est donc bien notre Joaillier.

Mais je trouve aussi  un site pédagogique qui lui consacre une recherche sur sa famille.

http://echo-de-leurs-voix.org/les-niederman/

Geza Niederman est né à Munkacs le 16 mai 1893. Il arrive en France en 1910, pour se perfectionner dans l'art de la joaillerie. Durant la Première Guerre Mondiale, il est interné en Corse, en tant que ressortissant d'un pays ennemi, l'Empire austro-hongrois. 
Après la guerre il acquiert la nationalité tchécoslovaque. Lors d'un voyage, il s'arrête à Vienne où il se rend chez Salomon Krausz de la part d'un ami rencontré en Corse. Il fait connaissance de la fille de Salomon, Ilonka (Hélène). Quand cette dernière arrive à Paris en 1924, les deux jeunes gens se retrouvent et Geza demande Hélène en mariage. Ils se marient et s'installent au 37 bld Saint Martin (Paris 3ème), où Geza crée son atelier de joaillerie. Geza et Hélène ont deux enfants : Robert en 1925, Émile en 1927. A la fin des années 30, Louis et Marcel, deux des frères de Geza, le rejoignent en France avec leurs épouses, Elly et Rose. 
En 1940, les mesures anti-juives poussent Geza à se déclarer au commissariat. Légaliste et très attaché à la France, il veut penser qu'il ne sera pas inquiété. La même année, son atelier est aryanisé. Geza souffre de graves problèmes cardiaques. Le 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel' d'hiv, il est alité en raison d'une angine de poitrine. La police française l'arrête et le transporte sur un brancard jusqu'au camp de Drancy, d'où il part pour Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi n°9.
Il ne reviendra pas



Voici l'immeuble où il habitait et travaillait au 37 boulevard Saint Martin à gauche en venant de la place de la République et en allant vers la porte Saint Martin.




Voilà! Nous partons d' un bijou et nous arrivons à retrouver l' histoire de celui qui l'a fabriqué avec talent car ces emmaillements ne sont pas faciles à réaliser.

Le bracelet est en vente chez Miller, et si le reste de cette histoire  familiale vous intéresse et voulez savoir comment sa femme et ses enfants ont survécu à la haine nazie avec la complicité du Maréchal Pétain allez sur 





samedi 23 janvier 2021

Question! Le magasin Van Cleef et Arpels de Cannes en 1940

 Une lettre comme je les aime, 



domvalois@gmail.com

mer. 20 janv. 17:33 (il y a 16 heures)
À moi

Bonjour,

Le confinement est un moment propice au rangement de vieilles photos.
Je ne sais pas réellement si mon grand père travaillait chez Van Cleef & Arpels à Cannes ou à Nice pendant la guerre.
Si, au vu des photos, vous aviez une idée j’apprécierais que vous me donniez votre sentiment.
D’après ce que je sais :
mon grand père maternel, Robert Boudoux (1889-1950) travaillait à la fabrication des bijoux à Paris,au moment de l’invasion allemande, alors qu’il était veuf depuis peu, il a accepté d’être muté sur la côte d’azur et chargé au cours de ce voyage d’emporter en train nombre de pierres et bijoux, il y est resté après la guerre et n’est remonté à Paris que peu de temps avant de décéder.

Bien cordialement,
Dominique Valois

Merveilleuse lettre , d un point de vue historique, et je vais répondre à Dominique




Oui en effet Robert Boudoux son grand père était bien au magasin Van Cleef de Cannes,  j ai acheté ce document sur Ebay, sans savoir s il servirait un jour.


Dominique Valois (qui m'a autorisé à le citer) m' envoie trois des photos retrouvées, voici son grand père  en compagnie de sa fille sur la Croisette., derrière lui le "Cercle Nautique" devant lesquels se trouvent de petites boutique de luxe, dont Van Cleef & Arpels.


Le magasin est fermé Robert Boudoux en photo devant le rideau de fer

Permettez moi de profiter de l occasion pour vous expliquer qu'en 1860, il n'y avait pas de plage à Cannes 




En 1853 M. Barbe, maire de Cannes, demande à l'Etat la concession de la bande littorale pour y aménager une promenade. En 1856, les 26 propriétaires riverains, jusqu'alors opposés au projet, décident de construire un chemin de 5 m de largeur, du ruisseau de la Foux à la pointe Croisette, en prenant à leur charge les 5/6 des frais. Un arrêté préfectoral autorise les travaux le 14 janvier 1857. Le conseil municipal vote le projet le 24 janvier 1859. Le chemin est classé chemin vicinal en 1860. Le 3 mars 1861, un marché très avantageux est conclu avec les ingénieurs Gaduel et Lazare Mangini, responsables de la Compagnie du chemin de fer de Toulon à Nice alors en construction pour élargir le chemin et le protéger des assauts de la mer sur une longueur de 1600 m avec les énormes déblais du chantier. Il en coûte 6 centimes par m3 et par 100 m de transport. La voie carrossable est livrée le 14 mars 1863. Ces aménagements permettent la construction en 1864 de l'Hôtel Gonnet, du Grand Hôtel, du Cercle Nautique et d'une quinzaine de villas. En 1865 les riverains acceptent de reculer leur limite de 5 m. Par délibération municipale du 22 septembre 1866, la Croisette prend le nom de boulevard de l'Impératrice. Des travaux l'élargissent à 20 m et la dotent de trottoirs et d'un alignement de palmiers. Les tempêtes de 1869 et 1872 obligent à de nouvelles confortations. On crée une jetée-promenade. Le mémoire remis en 1887 par les ingénieurs Michel et Arluc est à l'origine de la plupart des grands travaux effectués ensuite sur le littoral. Entre 1891 et 1893 on crée une plage artificielle de 2 km que complète celle de 1961 qui met fin aux attaques de la mer. Après la 2e guerre mondiale la plupart des grands établissements sont reconstruits. Le Cercle Nautique est remplacé par le Palais des festivals en 1949. Les établissements de bains précaires ont laissé place aux plages des hôtels établies en contrebas de la promenade, sous le trottoir. L'aspect actuel du boulevard l'apparente à un park-way.


En 1920 Van Cleef et Arpels est installé devant le Cercle Nautique,  à quelle date exacte  ont ils  quitté cet endroit pour s'installer sur la Croisette mais de l'autre coté de l'hôtel Carlton???





C'est ce magasin où Robert Boudoux  travaillait en 1940


Robert Boudoux pendant la guerre à Cannes



En 1946 le cercle Nautique devient la "Maison Des Jeunes" et reste le magasin Lacloche.




J ai écrit en haut de cet article que c'est ce document qui me permet de dire que Mr Robert Boudoux était bien au magasin de Cannes pendant la guerre ce qui corrobore le mail de Dominique Valois. Pour les plus jeunes, je rappelle qu' en 1940, la France est occupée et dirigée par le Maréchal Pétain, dont les services iront au delà de ce que demandaient les Allemands et instituèrent l' Aryanisation des commerces et entreprises juives.
Et pour les jeunes je leur précise que le confinement de l époque va durer 5 ans

Je l ai expliqué pour la maison Van Cleef et Arpels dans plusieurs articles dont : https://histoiredesvancleefetdesarpels.blogspot.com/2011/03/aryanisation-de-van-cleef-arpels-de.html

Mais c'était en 1940 dans la zone occupée!! 
Fin 1942 les Allemands ayant envahi la zone libre, des administrateurs furent nommés pour accélérer l 'aryanisation, en l' occurence, Mr Desjardins  habitant le Cannet, fut nommé administrateur provisoire avec tous pouvoirs, pour les magasins de Nice et de Cannes
Mr Desjardins avait désigné deux personnes du magasin  de Cannes, Mr Paul Huguenin et Mr Robert Boudoux  comme mandataires, c'est à dire ses interlocuteurs pour le magasin de la Croisette.

Jacques Arpels était pourtant à Cannes avec sa femme  (où il venait de se marier ; leur témoin avait été Tristan Bernard) ;  il y résidait depuis le début de la guerre, jusqu'en 1943 mais lentreprise ayant été aryanisée, il ne pouvait plus s’y rendre, plus rien n appartenait à la famille Van Cleef ou Arpels.

Une phrase m interpelle dans le courrier de Mr Dominique Valois

"Il a accepté d’être muté sur la Côte d’Azur et chargé au cours de ce voyage d’emporter en train nombre de pierres et bijoux"

Etait-ce lui, qui transporta une grande partie du stock dans une valise? Est ce lui qui s'arrêta à Vichy? ou  Renée Rachel Puissant Van Cleef avait elle fractionné les envois de stock en province?, J ai ecrit dans mon livre " Renée Rachel Van Cleef l'oubliée de la place Vendôme"
ce passage sur cet homme inconnu. tiré du livre de Jean Desbordes " La vie de tous les jours sous Pétain"

Une fin de journée de ce mois de juin, des réfugiés avaient trouvé asile à l’hôtel de Monaco, presqu’en face du commerce des Wirth rue Maréchal Pétain. La patronne, Mme Augoyat, envoya un de ses réfugiés chez ceux-ci. Il avait une lourde valise et voulaient la mettre en lieu sûr. Or, dans cet hôtel envahi, jour et nuit, il n’était pas possible de mettre quelque chose en lieu sûr.
Les Wirth virent arriver un homme assez fort, traînant plus qu’il ne la portait, une valise à vêtements d’une taille respectable. Il la confia aux Wirth.
Le lendemain matin, avant de quitter Vichy, il vint en reprendre possession, à la boutique, tout en remerciant M. Wirth père, il lui confia : ” Savez-vous que dans cette valise, il y a un milliard de francs (des francs de 1940) de bijoux. Ils appartiennent à la maison VAN CLEEF et ARPELS de Paris.”
Le père Wirth en resta sans voix tandis que l’homme s’éloignait arrivant péniblement à porter la valise. Les Wirth n’eurent aucun autre remerciement, ni nouvelle. 

Une précision, un commentaire? m' écrire à : richard.jeanjacques@gmail.com

1960-61 L' orchestre YéYé de l'ecole de joaillerie de la rue du Louvre à Paris:

  Cliquez sur les photos pour les agrandir  Michel BALDOCCHI Bonjour Monsieur Richard. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger quelques foi...